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Les silences des pierres
texte Philippe Barbeau — éditions L'Atelier du poisson soluble, Le Puy-en-Velay, 2010
— projet d'illustration soutenu par la bourse découverte du Centre national du livre en 2008.Dessin et infographie — 80 pages — 20 x 25 cm.
Feuilleter un extrait du livre sur le site de l'éditeur : www.poissonsoluble.com/Avis-de-parutions/Les-silences-des-pierres/silence-int.swf
Extraits
"Lovée au bord de la mer, au pied de la montagne, ma ville chantait la joie de vivre,
respirait le bien être et conjuguait le bonheur à tous les temps.
Ses habitants étaient pourtant différents mais ils savaient se parler,
se comprendre et s’aimer. Ils se sentaient frères.
Une maison se campait fièrement le long de la rue qui se tendait entre Est et Ouest,
en plein cœur de la ville.
Belle, grande, joyeuse et pourtant muette, elle tranquillisait chacun.Les pierres ont parfois des silences qui apaisent.
Hélas, un jour, des hommes venus d’ailleurs apportèrent une folie sans nom.
Ils maculèrent de rouge la chemise du joueur d’oud. Juste à la place du cœur.
Là où la vie s’échappe pour toujours. Ses paupières tombèrent.
Ses doigts se crispèrent. Sa voix s’éteignit dans un gémissement et son corps s’affaissa.
Les enfants s’enfuirent en criant. Amine rejoignit l’Ouest et Karim se réfugia à l’Est.
Le temps fila alors lentement, trop lentement. Atroce. Monstrueux. Ignoble.
Les coups s’abattirent sans fin. Chaque jour plus violents, plus terribles, plus destructeurs.
Chaque jour, la maison tremblait. Chaque jour, ses blessures s’accentuaient.
Quand un coup la frappait, elle craignait s’écrouler mais résistait.
Je refusais d’abandonner ma boutique. J’entretenais l’espoir et gardais confiance dans les murs pourtant dérisoires qui m’abritaient.Les pierres ont parfois des silences qui protègent.
Même déjà brisés, même s’ils ressemblaient davantage à des revenants qu’à des hommes,
Amine et Karim venaient toujours se faire coiffer.
Un jour, le hasard voulut encore jouer avec eux.
Ils ne se retrouvèrent pas plus que d’habitude dans ma boutique mais y passèrent l’un après l’autre.
Qui vint le premier ? Je ne m’en souviens plus et cela n’a pas d’importance.
L’un venait de l’Est, l’autre de l’Ouest et c’est ce qui importait.
Je m’occupai autant de l’un que de l’autre.
J’actionnai peigne et ciseaux, mes mains virevoltèrent sur leurs têtes.
Peu à peu, à mesure que les cheveux tombaient sur le sol,
ce fut plus fort que moi, je me mis à parler de la tendresse passée.
La maison me soufflait peut-être mes mots.Les pierres ont parfois des silences qui inspirent.